Le cannabidiol, c’est-à-dire la substance seule, ne relève pas de la réglementation des stupéfiants ni des psychotropes. Néanmoins, le seul médicament autorisé en France contenant exclusivement du cannabidiol purifié, l’Epidyolex, relève, lui, de la réglementation des substances vénéneuses. Selon l’article L. 5132-1 du Code de la Santé Publique, cela concerne les médicaments susceptibles de présenter directement ou indirectement un danger pour la santé, ainsi que les médicaments à usage humain contenant des substances dont l’activité ou les effets indésirables nécessitent une surveillance médicale et tout autre produit ou substance présentant des risques directs ou indirects pour la santé.
La réglementation française évolue
À la suite d’une décision du 19 novembre 2020 de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) dans l’affaire dite Kanavape, portant sur la conformité au droit de l’Union européenne de l’arrêté du 22 août 1990 qui limite la culture, l’importation et l’utilisation industrielle et commerciale du chanvre aux seules fibres et graines de la plante, les autorités françaises ont engagé des travaux interministériels, afin de modifier la réglementation française.
Les autorités françaises ont donc révisé la réglementation applicable à la culture, à l’importation et à l’utilisation du chanvre (terme fréquemment utilisé pour parler des variétés de cannabis à taux faible en THC) par un arrêté du 30 décembre 2021. Les autorités justifient ce nouveau cadre réglementaire pour maintenir un haut niveau de protection des consommateurs.
L’arrêté prévoit que l’autorisation de culture et d’utilisation industrielle et commerciale du chanvre soit étendue, sous certaines conditions, à toutes les parties de la plante de chanvre (ou cannabis). La fleur, qui contient les quantités les plus importantes de cannabidiol, ne pouvait pas jusque-là être utilisée. En ce qui concerne la culture, la teneur en THC de la plante de chanvre ne doit pas être supérieure à 0,3 %, en cohérence avec les règles relevant de la Politique Agricole Commune qui entreront en vigueur au
1er janvier 2023. Les variétés de plante autorisées sont les variétés inscrites au catalogue commun des variétés des espèces de plantes agricoles ou au catalogue officiel des espèces et variétés de plantes cultivées en France.
Seuls des agriculteurs actifs au sens de la réglementation européenne et nationale en vigueur peuvent cultiver des fleurs et des feuilles de chanvre en France. Les semences certifiées uniquement peuvent être utilisées. La vente de plants et la pratique du bouturage sont interdites.
Les extraits de chanvre, ainsi que les produits qui les intègrent, doivent avoir une teneur en THC qui ne soit pas supérieure à 0,3 %. À défaut, ils relèvent de la politique pénale de lutte contre les stupéfiants. Dès lors que le CBD n’est pas un stupéfiant, les produits qui contiennent cette substance doivent se conformer aux réglementations sectorielles propres à chaque type de catégorie de produits. En particulier, le CBD étant considéré comme un nouvel aliment (« novel food »), celui-ci et les denrées alimentaires en contenant ne peuvent être commercialisés sans évaluation ni autorisation préalable de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA).
Les autorités rappellent que les produits contenant du CBD ne peuvent, sous peine de sanctions pénales, revendiquer des allégations thérapeutiques (exemples : antalgique, anxiolytique, hypnotique, anti-inflammatoire, etc.), à moins qu’ils n’aient été autorisés comme médicament. En effet, les allégations thérapeutiques, hors médicament autorisés, sont considérées comme purement spéculatives à ce stade et risquent de détourner les patients d’une prise en charge éprouvée (arrêt de leur traitement médicamenteux au profit du CBD ou « automédication »).
Enfin, il est rappelé que les publicités en faveur de produits contenant du CBD ne doivent pas entretenir de confusion ni faire l’amalgame avec une consommation de cannabis à usage dit « récréatif ».
Cas de la vente des fleurs et feuilles de cannabis riches en CBD
Cet arrêté du 30 décembre 2021 prévoyait aussi que les fleurs et feuilles ne puissent être récoltées, importées ou utilisées que pour la production industrielle d’extraits de chanvre. Il en résultait en particulier que la vente aux consommateurs de fleurs ou de feuilles brutes sous toutes leurs formes, seules ou en mélange avec d’autres ingrédients, notamment comme produits à fumer, tisanes ou pots-pourris, leur détention par les consommateurs et leur consommation devenaient interdites.
Cette interdiction était justifiée par les autorités par des motifs de santé en évoquant, d’une part, une teneur en THC plus importante (normalement < 0,3 %) dans les fleurs et les feuilles brutes qui les rapprocherait des risques des produits stupéfiants, et, d’autre part, des risques établis liés à la voie fumée (risques déjà existants avec l’usage de tabac) avec notamment de nombreux éléments cancérigènes provenant de la combustion des substances organiques.
Enfin, cette interdiction serait justifiée par des motifs d’ordre public pour préserver la capacité opérationnelle des forces de sécurité intérieure de lutte contre les stupéfiants. Celles-ci doivent pouvoir discriminer simplement les produits, afin de déterminer s’ils relèvent ou non de la politique pénale de lutte contre les stupéfiants. Cela concernerait plus particulièrement les fleurs et les feuilles brutes dont la teneur en THC serait plus difficilement contrôlable en amont de leur commercialisation.
Néanmoins, par décision du Conseil d’État du 24 janvier 2022, l’exécution des dispositions relatives à l’interdiction de la vente des fleurs et feuilles est suspendue jusqu’à ce que le Conseil d’État se prononce définitivement au fond sur la légalité de l’arrêté contesté. Le juge a ordonné la suspension provisoire de l’interdiction « générale et absolue » des fleurs et des feuilles de CBD pour les consommateurs particuliers, en raison d’un doute sur la légalité de la mesure par son caractère disproportionné aux motifs présentés par les autorités : santé publique et ordre public. Il faut noter que des autotests sont disponibles afin de vérifier la légalité (< 0,30 % THC) d’un produit lors d’un contrôle, ce qui est le cas dans plusieurs pays comme la Suisse.